mercredi 30 septembre 2015

100 KM de Millau- La course parfaite, 26/09/15

Nous y voilà, le 100km de qui me faisait rêver y a deux 2 ans, mon soit disant premier objectif ultra relegué à 2015. Il aurait dû être mon premier mais je lui ai fait quelques infidélités, poussez par mon entourage et je ne regrette pas. Franchir pour la quatrième fois cette distance en 1 an, m' a sûrement aidée à vivre une journée magnifique !





Tout était réuni pour çà, tout d' abord mes parents présents, avec mon papa comme suiveur après s' y être proposé cet été. Les copains du club de l' AS Nandy, 12 membres. Les copains coureurs du quatre coins de la France. L' absence de stress. Et un temps idéal ont fait que je me suis retrouvée là comme lors d' une grande réunion de famille, la famille de la course à pied, celle de l' ultra que j' aime tant retrouver à chaque fois.

Parti de Paris le vendredi matin avec mes acolytes Marc et Francine, nous traversons la France en direction de Millau dans la bonne humeur comme toujours. Tout va bien, les enfants sont à l' école, Marion et Philippe gèrent la sortie des classes jusqu' au retour de Chris. Un grand merci les amis.
Une petite contrariété sur la route, je m' aperçoi que j' ai oublié le sac avec les sacoches du vélo. je passe un appel à mon père et il me rassure, il va aller chercher une petite caisse en plastique à installer sur le porte bagage et c' est réglé. Il est top.


Nous arrivons sur Millau, direction le parc de la Victoire où nous retirons les dossards, petit tour du lieu où l' on se croirait sous les halles du marché avec tout ces produits régionaux en vente. Quelques rencontres dans la bonne humeur, échange avec M. Cottereau, le père fondateur de la course, immense coureur, un très sympathique moment. Et puis avec la star de Millau, Nolwenn, elle chante pas, elle court. Et demain elle sera sur le marathon sans prépa. Ils sont comme çà les millavois, enfin Nolwenn oui, et puis sont truc c' est le trail avec ses chiens, je crois... je suis bien contente de la rencontrer en vrai de vrai, elle me fait moins peur que sur sa photo de profil ! En fait elle me fait pas peur du tout, elle est pétillante et sympathique!

Bon y a encore du boulot avant demain, faire les courses, récupérer notre logement, retrouver mes parents, faire le briefing devant un verre de cidre, faire notre rice party, retrouver Nadia, raconter encore et encore des conneries. La pré-course c' est toujours épuisant !





Le jour J, petit dej au chalet avec la fine équipe, Marc, Francine et Juan qui nous a rejoint à l' apéro hier soir, le petit mali !. On reçoit un sms d' Alain notre président pour nous souhaiter une bonne course, çà nous fait chaud au cœur. Puis direction Millau plage où l'on trouve une place, la place de Marc comme chaque année, sous le parc de la Victoire. Vite dit la Victoire, j' ai oubliée mes lunettes de soleil à ma vue au logement...petit coup de fil au padre, on fait une aller/retour en scooter chercher le précieux et récupérer le GPS de la Francinette qui entre temps s' aperçoit du truc.
Bon va falloir qu'on se remette la pression, il me semble qu' on est un peu trop détendu du string.
Je fini de me préparer en compagnie des Carole et Emir, nos Lapins Runners nationaux.
Après dépose du sac à la consigne pour l' arrivée, on se regroupe avec le club, photo de groupe, une puis deux, puis...enfin plein jusqu' au départ où nous partons avec le peloton en procession à travers les rues de la ville jusqu' à l' arche, soit environ un petit kilomètre.



Le départ est donné à 10h00, on met trois petites minutes pour passer l' arche .On slalome un peu avec les copains avant de trouver notre propre rythme.
Il fait encore un peu frais, je garde ma veste, enfin la veste Salomon de Chris à 300 boules sur moi, je brille un peu et il court un peu avec moi du coup.
Mon père m' attend à Aguessac avec les autres suiveurs à 7 km du départ. C' est bien organisé, il est dans la zone A sur la droite, car mon dossard est compris entre le 1 et le 300 et à droite car c'est un chiffre pair. A l' entrée du village M. Cottereau est là sur le bord de la route, et contemple le peloton passer, je le salut et me le rend par un signe de tête.
A la sortie du village je retrouve mon père avec une cohorte de filles bien briefées qui hurlent mon prénom. What the fuck !!! je rigole bien. Papa est heureux, y a des vélos partout, une bonne ambiance dans le troupeau. Ca papote et charrie, il trouve çà chouette.
Je lui refile La veste, et lui dit qu' il peut aller à son rythme, s' arrêter et partir devant comme il veut que j' aurais juste besoin de mon bidon de boisson de récupération toutes les heures pour quelques gorgées. Il va et vient, discute avec d' autres coureurs. Les kilomètres défilent un peu vite, j' essaye de me freiner de peur de me griller pour la fin mais j' ai un peu de mal. La veille, j' ai trouvé au retrait des dossards un tableau d' allure sur la base de 14 heures que j'ai mis en lecture sur l' envers de mon dossard pour repère. Je ne sais pas trop quelle allure adopter sur cette course car avec ses 1100 mètres de D+, je ne sais pas trop quel chrono viser. On m'a dit 1 heure de plus que sur un plat. A Theillay, j' avais fait 14h21 l' an passé et cet été sur le 120 km de Riquet, je passe la distance à 14H00 de course. Dans mes espérances je vise donc un milieu de 15 heures. Pour ce qui est du moment, je me sens bien à l' allure actuelle, je profite de tous les ravitaillements à raison d' un verre de St Yorre et un verre de moitié coca moitié eau plate et quelques morceaux de bananes. Le reste j' ai pas l' habitude d' en manger alors je laisse. De toute façon j' ai toujours fonctionner ainsi et c' est parfait. A ma ceinture, j' ai mes deux flasques de 230 ml  pour boire entre les ravitos car il fait chaud sur la route de ce marathon. Je passe Christian, il est content depuis hier et me le fait savoir, tu me fais trop rire !
Apres le trentième, j' arrive à la hauteur de Marino accompagnée de Carole une autre CLM qui sont sur le marathon, on finira ensemble en papotant, et puis Chantal à l'entrée de Millau qui boucle son 129 ième marathon. Entre temps au km 40 j' ai retrouvée maman devant le camping Larribal, où le gérant à installé des chaises et une table. Un petit arrêt pour l' embrasser, je suis reparti avec son sourire et ses encouragements. Cette première boucle était parfaite, 5h10 dans un décor superbe le long du Tarn. Un coup de cœur se marathon.


Et c'est reparti pour la deuxième boucle, celle qu' il va falloir bien gérer avec ses grosses pentes en aller/retour jusqu' à St Affrique. Avant la sortie de Millau, y a les lapinous sur le bord de la route en pleine cogitation sur leur désir d' aller plus loin aujourd' hui ou bien ! Je les laisse se démêler les carottes comme des grands.
Passer le pont de Millau, c' est faux plat montant d' entrée. Au ravito se trouve Didier du club et je le double après la sortie du village. On s' encourage mutuellement. Cette fois le Viaduc est en vu sous une belle pente bien raide mais courte qui nous mènera sous le Viaduc proche du km50. Ce petit moment est magique, je profite de l' ouvrage. En mode marche rapide je degaine mon tel pour lire les notifications d' encouragements que je reçois depuis les réseaux sociaux. Et aussi de Valérie sur Instagram qui me suit ainsi que ses copains, j' aurai pas vu ta copine Jeanette sur le parcours avec ton maillot. (Edit: en fait si, c' est la dame avec le maillot rose sur la photo au dessus, trop drôle). Arrive la voiture officielle et le premier coureur alors que nous entamons la descente sur St georges . Puis c' est un long faux plat dans les gorges jusquà St Rome un peu usant. Nous voilà à 60 km de course, arrive la première féminine, c' est Sylvie Wilt que j' ai rencontrée ce matin avec ses enfants qui l' accompagnent, une Run Amazones qui a fait la traversée jusqu' à St Flour avec Karine en début d' été sur le défi Run Amazones et que connais Francine pour y avoir participé. Je suis contente de la voir et l' encourage, tout sourire elle me tape dans la main. Je sais qu' après il y aura la fameuse côte de Tiergues, d' ailleurs elle arrive vite à la sortie du village et un grand panneau nous la signale. Merci l' orga ! Vendiou, çà grimpe. Je me remet en mode marche rapide jursqu' en haut de la côte. A partir de là je commence à croiser quelques têtes connues, dont Vincent Toumazou, il a le masque. Je l' encourage par son prénom, il lève la tête, me sourit et vient me taper dans la main, puis je croise Renaud tout sourire, il me check et m' encourage, pareil avec Arnaud du club, puis Luc et plus haut Stephane qui est dans le dur. C est plaisant de les encourager, un sourire, un allez go, une tape dans la main, un bravo Karine, je rame à la monter, ils volent à la descente.
 Je reçois aussi des messages de Marion, çà fait du bien de lire encore tes bêtises, elles alimentent ma course. Je me met à penser au retour, et me dis que c' est pas sûr que je vole moi et que cette descente va me tuer les quadris... enfin le haut, je recours, arrêt au ravito qui fait du bien. La côte a laissé des traces, j' alterne course et petites portions de marche dans la longue descente sur St Affrique, arggg je pense pouvoir me laisser aller. Papa s' arrête discuter avec un coureur qui remonte, j' arrive à leur niveau c' est Tito, un copain de mon oncle originaire de mon village. Il a le visage marqué, c' est un habitué des longues courses et sa 4ieme participation à Millau mais de vieilles blessures refont surfaces et il subit sa course. J' ai perdu un peu de temps sur le tempo 14 heures que j'avais réussi à suivre jusqu' à présent. Je croise ma Francinette qui remonte de St Af, on se fait un petite bise d' encouragement, je suis contente de voir qu' elle va bien et qu' elle assure. On s' échange sur Marc et Juan que nous n' avons pas vu ni l' une ni l' autre !!! mais heuuu, où sont ils?


St Affrique, yes le panneau qui fait plaisir. Le retour est bientôt proche, j' aperçois des coureurs arriver sur ma gauche, je comprend qu' il y a une boucle à faire ici. J' arrive au foyer à 9h34 de course officiel pour 71km. Je fais un arrêt de quelques minutes alors que d' autres s' arrêtent se faire masser, se changer, s' attabler ou bien même dormir sur des lits de camps, voire tout j' en sais rien. J' ai cru que je rentrais sur une base de vie de Courmayeur à l' UTMB. Brièvement mais sûrement, je m' étire un peu, retire quelques petits gravillons dans mes chaussures, je masse un peu mes pieds au passage un peu endolori à ce stade mais je ne retire pas mes chaussettes par amour propre, sic et c' est reparti après un passage au stand pour bien boire et manger. Je prend un peu plus de solide avec des morceaux de pains complet garni de morceaux abricots et d' amande, un délice. Quand je ressors, çà caille un peu, je dégaine ma veste coupe vent sans manches que je retirerai finalement à la sortie de la ville, très jolie par ailleurs. Je revois Christian, il est toujours content! Le jour décline très vite dans la longue remontée, 6  km environ. je fais le choix de ne pas encore sortir ma frontale, la lueur de la pleine lune me suffit amplement. Je croise Pascale et son mari Didier à la sortie de St Af, heureusement qu' elle a criée mon nom, j' étais en mode warrior qui monte l' Everest. Tito m' avait dit que c' était cette côte la plus dure, effectivement le départ est bien raide. Je marche vite, je double pas mal de concurrents, ca file la pêche mine de rien ! Papa à un peu mal aux mains et aux pieds, il alterne vélo et marche depuis déjà quelques heures, mais rien de méchant me dit il, j' espère qu' il ne fasse pas de crise avec sa polyarthrite. La fraîcheur tombe dans les gorges, arrive le ravito d' en haut au km78, il fait bien nuit, j' en profite pour récupérer la frontale avant la descente que je souhaite bien passer et regarder comme il faut où poser mes pieds. Petit texto à Chris pour lui signaler ma position et lire ses encouragements. Je croise Jean et Isabelle du club avec leur jolis ponchos transparents d' un ton rose, çà égaye ma fin d' ascension çà ! Puis vient la descente de Tiergues, 3 km bien raides  dans laquelle on passe le km80. Je descend bien, à bon rythme, les quadris tiennent et j' en profite pour avancer jusqu' à St Rome où il faut rentrer dans le foyer pour la ravito, et les quelques marches qui y mènent c' est cadeau. Je m' éternise pas, je laisse mon père en lui disant de me rattraper. Ca caille à la sortie je met mon petit coupe vent sans manche et je repars tranquille en marchant vite en alternant avec de la course. Il reste 18 km et les jambes répondent bien à ce stade bien sûr, genre raides mais qui veulent bien courir. Je me focalise sur le prochain ravito qui se trouve au bas de la remontée du Viaduc car je trouve cette partie longue mais longue et chiante, oui la partie la plus chiante, sur 100km il en faut une, elle est là, jusqu' à St Georges de machin. Encore une fois faut aller à l' intérieur du foyer pour se ravitailler, pour se poser c' est bien mais pour boire un peu c' est loin. Je laisse papa au ravito et je repars dans la nuit pour cette dernière côte bien déterminée. Un regard rapide au chrono et au temps de passage, j' ai repris du temps et me rapproche à nouveau du timing des 14 heures, çà me laisse perplexe ! Papa arrive à mon niveau je marche aussi vite que je peux, lui dit qu' on devrait pouvoir boucler ce Millau en 14 heures. On est content tous les deux. Enfin la descente, je double encore et au bas je retrouve mon Juanito. On aurait dit un 25 décembre au matin, deux gosses devant le sapin. Il me présente son copain des 6 jours de Privas. On repart ensemble tout guillerets et punaise çà remonte encore un peu doucement et là Juan me dit: Diantre je cours pas çà monte, et je m' éloigne laissant mon paquet cadeau sur le bord de la route mais en bonne compagnie. Creisseils, le dernier ravito, plus que 4 km, je  prend juste de l' eau au passage et une grosse envie de finir. Millau est là, à mes pieds. Je retraverse le pont qui mène en ville, il y a une petite côte, je la passe en marchant. Le panneau 99, tu sais celui qui t' arrache une larme, qui te fait remontée les émotions enfouies. Je regarde ma montre, çà affiche 14 h 00 de course, je souris bêtement, je suis fière et heureuse. Je dis à mon père de partir devant et de m' attendre à l' entrée du foyer pour qu' on puisse franchir la porte ensemble. Je savoure ce dernier kilomètre en faux plat montant qui mène au stade de la Victoire, je repense à mon premier 100 km que j' avais bouclé dans la douleur pendant les dernières heures de course. Aujourd' hui c' est une belle victoire que de terminer cette course avec tant de plaisirs.
Papa est là, on se prend par la main on grimpe ensemble l' estrade qui mène à la lumière du foyer, la ligne d' arrivée ! je coupe le chrono, 14h07 (14H10 au temps officiel)


 Nadia qui n' a pas pu courir pour faute d' infection à cause d' une piqure d' insecte est là avec ma Francinette pour nous accueillir c' est génial ! Comme à Sénart où j' avais signé un RP sur marathon, aujourd'hui c' est sur un 100 km et à Millau, what else ? Il est cool mon maillot de l' AS Nandy à l' image de mon club. Et je suis fière d' en porter les couleurs.
Nous sommes 3 à avoir franchis la ligne, nous attendons avec bonheur chaque copain finisher avec les félicitations qu' ils méritent. Suivra Juan, Christian très très content, Marc et Didier. Jean et Isabelle sont toujours en course. Papa repart se coucher, il est quand même tard, 14 heures de vélo c' est super long et fatigant même pour un cycliste entrainé. Merci papa, c' était chouette d' avoir partager cette belle course avec toi.
J' envoi sur IG la photo d' arrivée que je dédicace à Valérie, avec le #Quicherunpower afin de lui faire signe et lui donner 100 km de plus au compteur pour qu' elle puisse avancer dans son combat. Aujourd' hui la communauté des coureurs court pour toi ma belle en attendant ton retour sur le ruban de bitume.


Avant de se réunir tous ensemble autour d' une table je passe me faire masser sous la vigilance de notre mère poule à tous madame Nadia.
Sur le retour à la voiture, on encourage les arrivants dans le noir de l' allée du parc, sur ce arrive Mia, pas de chance, on lui fait la fête en mode guedins de base qui ont perdus tout équilibre cérébral. C était cool.
On finira par s' endormir assez tard, pour ceux qui y arrivent. On était comme des gosses de 10 ans en colonie de vacances...










vendredi 4 septembre 2015

Un UTMB...

Col de la Seigne 2502 m, il est 4h21, j'ai un petit 1/4 d'heure d'avance sur mes prévisions mais je sais que la suite va être dure, très dure. Je suis les bases d'un « petit 33h » mais ça ne va pas durer.
Flash back, la veille 18h le départ de l'UTMB est donné au centre de Chamonix. C'est un mélange contradictoire, presque agaçant, du meilleur et du moins bon. On ne peut pas courir tellement il y a de monde, alors oui, on aura le temps de courir mais quand même on y est, on a envie d'avancer ! Et puis le meilleur, cette foule, cette énergie, on est des gladiateurs, des supers héros, on est porté. C'est fort, ça prend aux tripes, y a une vrais émotion.

♫ Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne... ♫














Les premiers km se déroulent sans difficultés. Le soleil disparaît et les lumières du couchant sur Bionassay et les Dômes de Miage nous accompagnent. Ascension du col de Voza, puis première descente, j'ai déjà mal aux pieds et je « sens » mes cuisses. Pour l'instant il n'y a pas de problèmes mais ce n'est pas bon signe... Saint-Gervais, montée  vers Notre Dame de la Gorge, il y a du monde, toujours du monde, c'est incroyable. Il fait maintenant nuit, en me retournant dans l'ascension du col du Bonhomme je vois le serpent de lumière s'étendre jusque dans la vallée. La descente jusqu'aux Chapieux se déroule bien (lire assez rapide) mais avec toujours cet arrière goût de « c'est pas ça ». Déjà 6h de route et 50 km de fait. La longue ascension du col de la Seigne se fait sous un superbe clair de Lune. On distingue l'aiguille des Glaciers dont le sommet rocheux se détache sur le blanc du glacier. Descendant le col et remontant en face au col du Bonhomme toujours le long serpent de lumière qui traverse la montagne sans discontinuer.

J'arrive au col. Il est 4h21. Je découvre l'autre versant, sur le papier une légère descente et une légère remontée. Je sens de suite que ça va être compliqué. La remontée n'est pas simple, du gros cailloux instable, difficile d'aller vite, puis je dois m'arrêter pour prendre un gel, et quelques minutes après je m'arrête à nouveau, cette fois je mange une barre de céréales. Je passe le col puis attaque la descente. Toujours ces gros cailloux instables, je n'arrive pas à avancer, même quand le terrain devient meilleurs je ne relance plus. Maintenant j'ai franchement mal aux pieds, j'arrive au lac Combal en étant dans le dur, physiquement, mais aussi moralement. Cette partie que je pensai boucler en 1 h (optimiste), je la parcours en 1h40 et surtout dans la souffrance. Je prends mon temps au ravitaillement du lac Combal avant de repartir vers l'arrête du mont Favre. Je suis bien dans la montée que je fais en 35 min (470 m, hé, hé). Au sommet je m'arrête, fais des photos. La vue sur le versant italien du Mont Blanc, la Noire de Peuterey est à couper le souffle.


Le petit bonheur ne dure pas longtemps. La descente sur Courmayeur est un long calvaire, maintenant j'ai des courbatures dans les cuisses en plus des douleurs aux pieds. Je me fais doubler à droite, à gauche, j'ai même cru qu'un mec allait asseyer de me passer à saute mouton (😁). C'est la claque. J'ai un gros coup de mou. J'avais envie d'une course, d'un chrono, de plaisir, et là je suis comme un con et j'ai mal. Juste mal. Je descends au train jusqu'à Courmayeur. J'ai le moral dans les chaussettes. Karine m'attend, me rebooste. Je fais une pause d'1h45 me disant qu'en récupérant bien je pourrai encore accrocher les 35h (putain une semaine). 


petit somme 20 minutes chrono

le radeau de la méduse (je sais celle-ci aussi
je la fais à chaque foi, mais c'est facile !)
La montée au dessus de Courmayeur est longue et raide (y paraît qui y en a qui aiment ça). Sous le cagnard ça monte calmement (la vitesse, pas la pente), arrivé au refuge Bertone on a le droit à un nouveau point de vu incroyable sur le versant sud du Mont Blanc. Nouvelles photos.

La traversée vallonée du refuge Bertone au refuge Bonatti se passe bien et à un rythme correct. Puis dans la descente suivante c'est de nouveau une grosse galère. J'ai jamais (rarement ?) eu mal comme ça. Je suis à l'arrêt. L'idée de poser le dossard me vient à l'esprit. C'est des bouffées d'émotions, ça part du ventre, ça prend la poitrine puis ça monte à la tête... J'en avais envie depuis longtemps, je voulais le faire et le faire bien ce tour du Mont Blanc, pas comme ça. J'arrive défait à Arnuva. Karine est là, me remonte le moral, je suis dans les temps, largement, j'avance pas si mal... Depuis qu'on est en Italie on est coupé des réseaux sociaux mais je sais qu'il y a du soutient et il y a les encouragements d'amis. Je me pause un moment dans l'herbe, j'enlève les chaussures, soigne un peu mes pieds.

arrivée cuit à Arnuva







pause et petits petons à l'air












Cette pause c'est un tournant de la course, je fais le deuil de mes envies, de mon chrono, c'est puéril mais c'était important pour moi. J'accepte la réalité de mon état et je passe en mode « finisher ». 

Je repars donc vers le Grand Col Ferret avec un nouvel état d'esprit. Aller au bout, profiter de ces paysages, de ce voyage incroyable. La montée se fait à un rythme correct puis au miracle (et merci ibuprofène) la descente se passe bien, je peux courir sur une bonne partie. J'arrive à la Fouly à 18h33 et me pose une 40aine de minutes, le temps de me refaire un peu. Il y a toujours du monde et des encouragements dans le village mais aussi dans la montagne. 
La partie suivante jusqu'à Champex n'est pas passionnante un long faux plats descendant puis une montée en forêt où l'on croit arriver à chaque virage. Enfin, je débouche en bas du village, je demande à un bénévole si le ravitaillement est loin. J'ai le droit à un « c'est à 6 minutes » avec l'accent. 6 minutes plus tard je suis au ravito, la précision Suisse...  40 minutes de pause, des pâtes excellentes, pour la première fois j'arrive à bien manger. Je part vers la crête de Bovine, pas très réputée, c'est pourtant un passage pas facile du tout de cet UTMB. Ascension dans les bois puis dans de gros rochers, je connais bien ce coin et j'y ai quelques bon souvenirs. Malgré l'austérité du lieu j'y suis bien :) Du sommet vers 1h du matin, la vue sur la ville de Martini en Suisse est superbe. On voit les lumières près de 2000 m plus bas, on a juste une chance incroyable d'être là. Arrivée à Trient vers 2h du matin. Karine m'attend pour la dernière fois avant l'arrivée. Je voulais dormir 20' mais vu le bruit dans le ravitaillement c'est pas possible.


passage psychédélique à Trient
tentative de somme foirée pour cause de
fête et zique à fond à Trient













Je vais chez les kinés, me fais masser (une première en course pour moi). Après une grosse heure de pause je repars pour l'avant dernière ascension de l'UTMB. Je monte tranquillement (mais sans être capable d'accélérer) vers Catogne puis je reprends ma galère dans la longue descente sur Valorcine. Chaque pas est choc dont l'onde martyrise la cuisse, très dur de courir. La descente n'en finie pas. Enfin, retour en France !
Dernière ascension de l'UTMB, la « fameuse » montée de tête au vent. D'abord quelques km de faux plat montant puis au col des Montets c'est le début « du raide ». Je pars vite et me met en tête de passer cette difficulté en moins d'1h. Je souffle, j'enchaîne les virages, je double. 53 min plus tard je coupe mon effort au niveau de l'épaule où se trouve la tente des secours (sic). La tête au vent est encore loin mais le dénivelé est bouclé et je me refait doubler quelque peu. Drôle d'idée que cette accélération. Je boucle cette antépénultième (j'adore ce mot) étape sourire au lèvre avec la Flégère au loin et le Mont Blanc en face de moi. Passage au dernier ravito, sms, téléphone, photos, même un tweet. Je me déconcentre un peu et savoure déjà un peu la future « victoire ».











La dernière longue descente sur Chamonix se fait non sans mal, incapable de courir sur la première moitié, puis c'est les derniers mètres dans Cham.
Beaucoup se mettent à courir poussés par le public, je marche, je charie un gars  qui me double « do you want to sprint », il est bien emmerdé le pauvre, puis je le laisse filer. Je savoure. Je passe la ligne... 

crédit photo, William Guillot

Pour la première fois en course j'ai failli poser le dossard. Cette course pendant un temps avait perdue son sens car ce n'était plus celle que je voulais. Me faire « mal » dans l'effort, avoir les poumons, les jambes qui brûlent le temps de l'accélération, oui. Mais passer des heures à 3km/h en ne pouvant pas aller plus vite parce que j'avais mal aux pieds et aux cuisses je n'avais pas signé pour ça. Puis les encouragements m'ont permis d'avancer, de ne pas arrêter, de me rappeler tous les entraînements, de voir que « j'avais le temps ». J'ai repris conscience de la chance que j'avais de faire cette course, d'être au milieu de ces paysages, de baigner dans cette foule, cette énergie et d'être capable de la finir. Et heureusement, je ne me suis pas arrêté, parce que ben voilà, je crois que c'est une des plus belles courses du monde...

ps : je vous la fait à chaque fois mais putain 41h c'est long
ps2 : grosse pensée pour ma petite sœur. Je sais que ça t'aurais plu. Tu me manques...

Chris,